Une génération décadente

Participer à la vie de la communauté, c’est primordial : rencontrer des personnes intéressantes, construire de belles choses, apprendre, s’instruire, se cultiver… se construire soi-même. Prendre le temps de rêver, développer un talent caché, échanger des idées, partager une conversation, rencontrer d’autres cultures, etc. Mais l’addiction nous prive de tout cela. Elle nous tue à petit feu, non sans souffrances physiques, affectives et morales. Au final, on finit par tout perdre, et par gâcher sa vie.

Pourtant, la vie est précieuse ; encore faut-il lui accorder un peu de respect. Il s’agit de se donner les moyens d’en faire quelque chose de constructif, de lui donner au moins un semblant de sens. Quel est le sens de l’existence, s’il y en a un ? C’est la grande question… Alors, si l’on n’est sûr de rien, autant lui donner une chance, et lui donner un sens ! Et dans ce cas, autant choisir une direction qui nous plaît. Mais pour avoir ne serait-ce que l’esquisse d’une idée de ce qui nous plaît faut-il encore avoir essayé.

Vivre un maximum d’expériences -qui plus est variées- au lieu de se contenter de s’enterrer dans sa petite zone de confort. Cela implique souvent de se confronter à des barrières… souvent les nôtres, d’ordre psychologique. Car oui, ce sont bien souvent nous-mêmes qui nous imposons ces barrières invisibles, ces inventions de l’esprit ; je ce que j’appèle des élucubrations mentales. L’imaginaire est puissant, dans les deux sens du terme. Le pouvoir de l’imagination est infini : du génie peut naître la folie, et réciproquement.

Malheureusement, aujourd’hui, les génies ne courent pas les rues. Les années 2000 ont vu émerger une génération d’analphabètes, scotchés devant leurs écrans, fans de télé-réalité et de stars du web, confondant le génie musical avec des modes éphémères. Les jeunes s’habillent et se maquillent tous de la même façon, clones de leurs youtubeurs favoris. Vous savez, ces influenceurs qui passent leur temps devant une webcam à raconter ou montrer n’importe quoi pour faire un maximum de vues, incitant à la bêtise et remplissant leurs poches grâce à la publicité.

Bref, il devient de plus en plus rare de croiser des personnes qui s’intéressent, ne serait-ce qu’un peu, à des auteurs classiques. La véritable littérature n’est plus l’apanage que d’une élite éduquée selon des méthodes plus traditionnelles. La philosophie, elle, est devenue un mot fourre-tout, désignant désormais des courants « new age » plus que discutables, vendant toutes sortes de rêves basées sur des croyances plus farfelues les unes que les autres : des « méthodes de relaxation quantique » aux affirmations que la Terre est plate, ou que boire son urine serait bénéfique.

Enfin, ce genre d’absurdités ! Beaucoup ne savent plus écrire ; l’étymologie est un mot qu’ils ignorent ou dont le concept leur échappe. Ils ne comprennent donc pas vraiment ce que signifie « philosophie » et maîtrisent encore moins la logique formelle qui sous-tend les principes fondateurs de toutes les sciences. Et puisque le terme « quantique » est à la mode, il faudrait au moins savoir définir ce qu’est réellement un nanomètre, par exemple, pour commencer.

L’individualité sacrifiée contre une petite zone de confort

Depuis l’ère industrielle, présentée comme une révolution technologique, on nous a fait croire que nous serions plus heureux en troquant notre individualité — notre singularité — contre le confort matériel que procure l’argent, ce qui implique de se fondre dans le moule. Aldous Huxley l’avait déjà exprimé avec force dans son ouvrage Le Meilleur des mondes, publié en 1932, prédisant qu’il faudrait se méfier de ce que l’on appelle communément le progrès technique.

Il avait vu juste, quand on observe ce dont nous sommes capables aujourd’hui. La technologie, et en particulier l’intelligence artificielle (IA), a de quoi faire trembler le monde. Elle est désormais capable de nous remplacer par des machines, de gérer des chaînes de production de façon optimale et totalement autonome.

Les réseaux de neurones, implantés dans les processeurs de nos circuits intégrés, sont capables de s’auto-reprogrammer sans notre intervention, et sans code éthique. Leur puissance et leur autonomie sont telles qu’ils peuvent parfaitement remplacer les métiers dits « intellectuels » ou « experts » : avocats, juristes, traders, comptables, banquiers, architectes, designers, pilotes, etc.

Ces professions reposent sur des bases concrètes et solides, issues de sciences éprouvées depuis des millénaires. Or, c’est précisément dans ces domaines que l’IA excelle et offre le plus grand potentiel. Mais à qui profite réellement ce progrès ? À nous, ou à elle-même ? J’y reviendrai un peu plus loin…

Pour l’instant, je dois résoudre mes propres problèmes, et il y a de quoi faire : argent, santé, logement. Actuellement, je suis suivi à temps plein dans un centre spécialisé en Cévennes. On cherche la bonne formule : les molécules adaptées, la posologie idéale. Je suis observé, surveillé, supervisé, contrôlé, bien sûr. Cela fait partie des conditions du contrat.

En attendant, cela fait deux mois que je ne bois plus. Cet endroit m’aide à me sevrer, mais surtout à me préserver des mauvaises rencontres, des influences néfastes et de la tentation. La tentation du mal, car oui, c’est bien le diable qui se cache derrière ce fléau qu’est l’addiction. Elle nous prend tout : famille, amis, relations ; elle détruit la santé et nous éloigne de toute activité, qu’elle soit sociale ou professionnelle, nous privant ainsi de participer à la vie de la communauté.