Depuis l’ère industrielle, présentée comme une révolution technologique, on nous a fait croire que nous serions plus heureux en troquant notre individualité — notre singularité — contre le confort matériel que procure l’argent, ce qui implique de se fondre dans le moule. Aldous Huxley l’avait déjà exprimé avec force dans son ouvrage Le Meilleur des mondes, publié en 1932, prédisant qu’il faudrait se méfier de ce que l’on appelle communément le progrès technique.
Il avait vu juste, quand on observe ce dont nous sommes capables aujourd’hui. La technologie, et en particulier l’intelligence artificielle (IA), a de quoi faire trembler le monde. Elle est désormais capable de nous remplacer par des machines, de gérer des chaînes de production de façon optimale et totalement autonome.
Les réseaux de neurones, implantés dans les processeurs de nos circuits intégrés, sont capables de s’auto-reprogrammer sans notre intervention, et sans code éthique. Leur puissance et leur autonomie sont telles qu’ils peuvent parfaitement remplacer les métiers dits « intellectuels » ou « experts » : avocats, juristes, traders, comptables, banquiers, architectes, designers, pilotes, etc.
Ces professions reposent sur des bases concrètes et solides, issues de sciences éprouvées depuis des millénaires. Or, c’est précisément dans ces domaines que l’IA excelle et offre le plus grand potentiel. Mais à qui profite réellement ce progrès ? À nous, ou à elle-même ? J’y reviendrai un peu plus loin…
Pour l’instant, je dois résoudre mes propres problèmes, et il y a de quoi faire : argent, santé, logement. Actuellement, je suis suivi à temps plein dans un centre spécialisé en Cévennes. On cherche la bonne formule : les molécules adaptées, la posologie idéale. Je suis observé, surveillé, supervisé, contrôlé, bien sûr. Cela fait partie des conditions du contrat.
En attendant, cela fait deux mois que je ne bois plus. Cet endroit m’aide à me sevrer, mais surtout à me préserver des mauvaises rencontres, des influences néfastes et de la tentation. La tentation du mal, car oui, c’est bien le diable qui se cache derrière ce fléau qu’est l’addiction. Elle nous prend tout : famille, amis, relations ; elle détruit la santé et nous éloigne de toute activité, qu’elle soit sociale ou professionnelle, nous privant ainsi de participer à la vie de la communauté.